Inscription dans le registre du marriage de Victor Bourgeau à Edwige Vaillant. Bourgeau n’a pas signé.  

VICTOR BOURGEAU – NOTES BIOGRAPHIQUES


Les églises de l’architecte montréalais Victor Bourgeau (1809 – 1888) ont été appréciées de son vivant, mais non pas à leur juste valeur. L’admiration et la compréhension de son œuvre n’ont fait que décliner depuis. Mes recherches récentes ont pourtant révélé chez lui un niveau d’excellence architecturale inégalé au Québec, ou même en Amérique du Nord, à son époque.

Victor Bourgeau naît fils d’un charron de Lavaltrie, à environ trente milles en aval de Montréal. Très jeune, il devient l’apprenti de son oncle menuisier et sculpteur et donc, comme Palladio, il passe le plus clair de ses années de formation sur des chantiers de construction.

 
Signature de Bourgeau plus tard au cours de sa vie. De toute évidence, il a appris à écrire.  

Les ambitions du jeune Bourgeau vont au-delà des limites de sa petite ville. Vers 1830, il s’établit à Montréal, se présentant comme « maître charpentier et maître menuisier ». Il avait pourtant peu d’instruction : il est notoire que lorsqu’il épouse Edwidge Vaillant en 1833, il ne signe pas le registre. Comme de nombreux documents de cette époque, celui-ci porte la mention « Ceux sachant signer ont signé avec nous, les autres ont déclaré ne le savoir. » Au cours des quinze années suivantes, il apprend à lire, à écrire et à dessiner et il acquiert une connaissance approfondie de l’architecture. Ceci représente un exploit remarquable pour un travailleur vivant loin des capitales culturelles européennes.

Les temps sont difficiles au Québec pendant les années 1830. La cécidomyie du blé affecte les récoltes plusieurs années de suite. Tout comme en France, le pain est ici un aliment de base. La famine est généralisée. L’opposition à l’immigration britannique s’enflamme lorsque de nouveaux arrivants importent une épidémie de choléra en 1832. Une panique financière internationale à la fin de la décennie génère une crise à Montréal. Les conflits et l’agitation politiques aboutissent à la Rébellion de 1837-1838.

Les troubles se prolongent dans les années 1840. Les immigrants irlandais apportent une épidémie de typhus en 1847 ; des émeutiers incendient l’édifice du Parlement en 1849. Cependant, les conditions de vie s’améliorent. L’agriculture s’est diversifiée et de meilleurs moyens de transport ont ouvert de nouveaux marchés. L’économie progresse. La foi religieuse, sérieusement ébranlée pendant la Rébellion, renaît, parfois avec l’intensité de la ferveur religieuse. Le nouvel évêque de Montréal, Ignace Bourget, plus ambitieux encore que Bourgeau, entreprend de réaliser ses objectifs pour son diocèse. La fin de la décennie voit une explosion d’églises en construction dans la région.

 
Victor Bourgeau looks away as Joseph Michaud presents plans for the new Cathedral to Bishop Bourget. From the statue of Bourget in front of Mary Queen of the World. Victor Bourgeau détourne le regard pendant que Joseph Michaud présente ses plans de la nouvelle cathédrale à Monseigneur Bourget. Tiré de la statue de Bourget devant Marie-Reine-du-Monde.  

Victor Bourgeau est prêt. Il a travaillé à des églises de marque à Montréal : Notre-Dame, où il a construit une chaire très admirée, et Saint-Patrick, dont il a supervisé les travaux intérieurs. Puis, vers 1850, il devient coup sur coup l’architecte de Sainte-Rose-de-Lima à Laval, de Saint-Grégoire-le-Grand près de Saint-Jean-d’Iberville, de La Visitation-de-l’Île-Dupas et de la remarquable église Saint-Pierre-Apôtre à Montréal. Il reconstruit à Saint-Benoît l’église brûlée par les partisans pendant la Rébellion. C’est le début d’une longue liste d’églises, chacune correcte, appropriée, bien pensée et élégante.

En 1857, l’évêque envoie Bourgeau à Rome, avec pour mandat de mesurer Saint-Pierre et de préparer les dessins en vue d’une réplique à Montréal. Sans surprise de la part d’un campagnard du Québec, il se sent dépassé et refuse la commande. L’évêque persiste et, en 1871, envoie Joseph Michaud, un ecclésiastique de Joliette, chargé de la même mission. Michaud lance le chantier de la nouvelle cathédrale Marie-Reine-du-Monde mais se trouve bientôt en difficulté. On doit faire appel à Bourgeau pour superviser la construction.

Edwidge Vaillant meurt en 1877. Deux enfants étaient morts en bas âge et un troisième, Victor Pierre Henry, avocat prometteur, était décédé en 1865, à l’âge de 31 ans. Bourgeau se remarie en 1878, à Delphine Viault. Il meurt en 1888.

Peter Lanken Mars 2018